La vie aveugle, par Loïc Merle, Editions Actes Sud
CRITIQUE , ESSAI , ROMAN / 18 janvier 2017

Heureux hasard, cette lecture intervient tout de suite après celle de La Cheffe, roman d’une cuisinière, de Marie Ndiaye. La vie aveugle de Loïc Merle, traite en fait du même sujet. Pourquoi les artistes créent-ils? Pour qui? Qu’en est-il des honneurs et de la reconnaissance? La vie aveugle est à la croisée du roman et de l’essai. Divisé en deux parties, ce livre tient de la sainte colère, de l’appel au secours. La première partie se penche sur l’autoportrait en véronèse de Van Gogh. Le narrateur entend littéralement la voix du peintre et l’auteur nous raconte le parcours de cette toile d’abord offerte à Gauguin puis notamment montrée lors de l’exposition itinérante organisée par les nazis et consacrée à l’art dégénéré. Loïc Merle va même jusqu’à imaginer Samuel Beckett en visiteur de cette exposition. La deuxième partie, beaucoup plus romanesque, est écrite d’un seul trait de plume sur près de 140 pages, sans paragraphes, comme si l’intégralité de l’écriture, et donc de la lecture, ne souffrait aucun répit. Le narrateur y rencontre Auguste Strahl, le plus grand peintre de ce début de siècle, peintre visiblement né de l’imagination de Loïc Merle. Strahl reçoit le narrateur dans sa ville d’adoption, le…

La Cheffe, roman d’une cuisinière, par Marie Ndiaye, Editions Gallimard
CRITIQUE , ROMAN / 16 janvier 2017

Marie Ndiaye est une styliste, c’est indiscutable. Elle le prouve une fois de plus avec La Cheffe, roman d’une cuisinière. Le livre retrace la vocation, l’ascension et la chute d’une modeste employée de maison appelée à remplacer la cuisinière de la famille bourgeoise qui l’emploie La confection de son premier repas nous est contée par le menu, sans omettre le moindre détail, sur des dizaines de pages. Puis la Cheffe occupera son premier emploi dans un restaurant de Bordeaux avant d’ouvrir son propre établissent, la Bonne Heure. Toute l’histoire est narrée par son plus dévoué, son plus attentif et son plus amoureux employé qui, au moment de nous parler de son idole, a pris sa retraite à Lloret de Mar, station balnéaire catalane où il attend sa fille, Cora. Le roman pêche précisément par ce qu’il dénonce. La Cheffe se bat contre le clinquant, l’inutile, le superflu. Elle cherche à donner aux produits leur dignité, leur vraie valeur, leur vraie saveur. Elle fuit les honneurs et les compliments. Le roman pourrait d’ailleurs fort bien être une métaphore du métier d’écrivain. Marie Ndiaye y fait brièvement allusion : «Il m’arrive d’oublier, quand je m’adresse à vous, quand je pense à la…